samedi 16 janvier 2016

UNE PETITE HISTOIRE DE LA PRESSE

Comme chaque année, les élèves de Littérature et Société ont étudié l'histoire de la presse depuis le début du XIXème siècle avec leur professeur d'histoire. Divers journaux représentatifs ont été étudiés et une première fiche synthèse a été élaborée.

Cette fiche comprend le mot "Presse" au centre, avec l'origine du mot qu'il faut compléter, et quatre flèches se rapportant à quatre thèmes : les origines de la presse, la presse de la Révolution au début du XXème siècle, les méthodes de fabrication du journal, les évolutions de la forme du journal.





Cette fiche est complétée avec l'étude de planches (Théophraste Renaudot et la Gazette, Le Journal de Paris, premier quotidien français en 1777, l'imprimerie, les rotatives, l'impression offset, divers exemples de presse enfantine avec notamment la Semaine de Suzette, de presse féminine avec Marie Claire) et des photocopies de journaux anciens soit en intégralité (le Journal des Débats du 27 nivôse An X) soit partiels (L'Univers du lundi 26 mai 1873 sur la démission d'Adolphe Thiers, Le Matin du mardi 12 novembre 1918, La Lanterne du mercredi 8 août 1945, La Cité Nouvelle du 15-16 août 1945). D'autres journaux, originaux, ont été présentés comme La Gazette de France du vendredi 18 novembre 1836 et Le Constitutionnel du jeudi 18 mars 1847 qui a la particularité de comporter "Le cousin Pons" de Balzac en feuilleton de bas de pages.





Les élèves complètent alors la fiche après avoir étudié les documents et souligné l'évolution des journaux sur près de 200 ans: 
- Etude de la "presse", terme désignant l'instrument de l'imprimerie avec évocation de Gutenberg et de son invention (vers 1455) et de la feuille de papier pressée contre les caractères mobiles.
- Pour la fabrication, on passe de l'impression feuille par feuille à la rotative avec des stéréotypes (plaques en relief), puis l'impression offset (deux vidéos présentées).
- La création de la Gazette (Gazette de France en 1762) par Renaudot en 1631, un hebdomadaire tiré à 8000 exemplaires et paraissant le samedi, avec la longévité de ce journal qui ne disparaît qu'en 1915 (aujourd'hui, le doyen de la presse écrite est Le Figaro fondé en 1866), l'origine du nom (du vénitien "gazetta", petite pièce de cuivre permettant de payer un journal), le contrôle royal (Louis XIII et Richelieu y publient des articles ...); Le Journal de Paris, premier quotidien français en 1777.
- Les journaux anciens: l'étude du Journal des Débats du 27 Nivôse An X (17 février 1802) permet de voir un petit format in-quarto, de quatre pages, une police de caractères de petite taille, des articles longs et une mise en page serrée (sans gros titre, mais avec une partie "affaires extérieures", puis "affaires intérieures", puis les faits-divers, les cours de la bourse, la loterie et les petites annonces). Cette forme sévère perdure tout au long du XIXème siècle (voir L'Univers de 1873), et même au delà (on montre l'exemplaire du Monde de 1984 sur la mort de Youri Andropov, sans aucune photo). Le format des journaux augmente comme le montrent Le Constitutionnel (1847) ou Le Moniteur Universel (exemplaires de 1854 et 1856) mais la mise en page est toujours aussi serrée...
- La forme des journaux évoluent pourtant : apparition de la publicité et de petites annonces commerciales (souvent très drôles), apparition progressive de la "une" (d'abord un résumé des articles de la première page puis le gros titre après 1870), de différentes polices de caractères, des illustrations (gravures puis photos), la diversification de la presse (BD, presse pour enfants avec La Semaine de Suzette, la presse féminine etc).





Deux supports vidéo peuvent être utiles pour comprendre la fabrication d'un journal: l'épisode 13 (le secret) des Aventures de Poly avec la présentation de l'imprimerie de France - Soir en 1961 et la composition du journal, les rotatives etc (5 mn du début de l'épisode); un extrait de C'est pas sorcier, Vive la Presse, visible sur youtube, qui montre une impression offset de nos jours (26 mn en tout).

Une autre séance a été consacrée à la censure. Une fiche synthèse a aussi été réalisée. Elle comprend, au centre de la feuille, la célèbre gravure d'Anastasie par André Gill, parue dans l'Eclipse du 19 juillet 1874, que les élèves ont décrit. Trois thèmes ont été fixés. 







Le premier, placé sous la gravure, concerne les principales lois sur la censure, en distinguant la censure politique avec comme exemple la loi de Serre de 1818 et les délits de presse (offense au souverain, appel au crime, outrages aux bonnes moeurs, diffamation) et la censure militaire avec la loi du 5 août 1914. Une recherche  sur internet a permis de trouver les principaux éléments sur la censure politique, tandis qu'un extrait du livre d'Alain Scoff, Le Pantalon1982, p. 106-109, permet de voir les buts de la censure militaire en 1914 (pas d'informations utiles à l'ennemi), avec des exemples incroyables de bourrage de crânes tirés des journaux de l'époque. Le deuxième thème , placé à la droite de la feuille, concerne les méthodes de la censure (autorisation préalable, cautionnement, caviardage du texte, suppression du texte, interdiction de publication provisoire ou définitive). Pour ce thème, les élèves ont travaillé sur un texte ancien caviardé, un exemple du Matin du 18 mars 1917 sur la démission du cabinet Briand avec deux passages censurés, sur la une du Paris-Midi du 7 août 1918 avec un curieux bilan de bataille, et un article sur la Russie du Petit Parisien du 11 juillet 1917 mentionnant 290 lignes censurées. Pour les interdictions de publication, le journal de Georges Clemenceau, L'Homme Enchaîné du 11 août 1915, dont un article critique le général Joffre (d'où quatre jours d'interdiction de publication), et le n° 1 du Canard Enchaîné de Maurice Maréchal du 10 septembre 1915 (journal qui ne va pas plus loin que sa quatrième édition avant de reparaître en 1916), avec ses dessins sur "comment faire un journal en 1915" ont été vus. Sur la gauche de la feuille ont été placés des exemples de propagande et de désinformation avec des extraits de journaux tirés du livre d'Alain Scoff (les obus allemands qui ne blessent pas, les balles allemandes qui traversent les corps sans grand risque ...).


Quelques exemples:



















Une pochette permet de recueillir journaux et fiches.





Nous terminerons avec trois "curiosités". D'abord, l'exemplaire du Constitutionnel du 18 mars 1847 sur lequel apparaît un extrait, sur les pages 1 et 2, du Cousin Pons d'Honoré de Balzac, pages 245 à 248 (c'est la numérotation du recueil complet, avec la Cousine Bette notamment), avec une couverture, les deux premières pages du roman et un avertissement sur la publication du roman en feuilletons. L'abonné pouvait découper le bas de son journal et composer son recueil.



La page 1 du journal



Le détail du feuilleton de la page 1



La page 2 du Constitutionnel




Détail du feuilleton de la page 2


Une élève, Ledia Kadiu, a eu la grande gentillesse d'apporter une plaque offset de l'Est Républicain. C'est une plaque souple en aluminium sur laquelle a été imposé, par insolation, un film, représentant des livres sur 14-18, film qui a laissé sa trace en polymère. De l'eau va être appliquée sur la plaque (eau repoussée par le polymère) puis de l'encre qui va rester sur le polymère. La plaque, souple, est mise ensuite sur une rotative pour l'impression.








Enfin, il faut signaler que la publicité et les petites annonces commerciales étaient très envahissantes dès les années 1830 comme le montre cet exemplaire de La Gazette de France du 18 novembre 1836:






La page 4 avec ses publicités !


Détail des publicités

Madame Lefoll a étudié la presse moderne avec une revue de 5 journaux (L'Est Républicain, Le Monde, Libération, Le Canard Enchaîné, Le Figaro) qui a permis aux élèves d'analyser ces exemplaires et de voir les changements avec la presse écrite ancienne. Les élèves ont ensuite composé leur propre une de journal ainsi que des affiches pour des manifestations culturelles.



Composition d'Amélie Hornet



Composition de Sarah Mauchamp



Composition de Ledia Kadiu


Affiche de Thomas Millot



Affiche de Ledia Kadiu





Composition de Charlotte Tinel


Affiche de Camille Launois


Affiche de Cihan Kartal


Affiche de Clara-Natalia Pora




Jérôme JANCZUKIEWICZ et Nathalie LEFOLL

samedi 14 novembre 2015

LA REVOLUTION DE L'ALPHABET

Les systèmes anciens d'écriture étaient très complexes avec plusieurs centaines ou milliers de signes. Vers 1400 avant J.-C., des travailleurs sémites, tailleurs de pierres dans le Sinaï pour le compte du Pharaon, s'inspirèrent des hiéroglyphes alphabétiques égyptiens pour composer un système de 23 signes qui permettait d'écrire tous les mots, chaque signe correspondant à une lettre correspondant elle-même à un son, selon un système acrophonique. Ainsi, une tête de vache ou de boeuf permettait d'écrire le a premier son du mot "aleph", mot désignant cet animal, un plan de maison le b ou "beth" qui voulait dire maison, un chameau stylisé, "gammil", permettait d'écrire la lettre g etc. L'alphabet était né !





Cet alphabet protosinaïtique ou protocananéen fut repris, avec 22 signes, vers 1200 avant J.-C. par les Phéniciens qui le simplifièrent (ils écrivaient sur des supports souples comme le parchemin) et le transmirent aux Grecs, qui eux-mêmes le transmirent aux Etrusques (qui modifièrent la graphie de la 3ème lettre, G, en C) qui le transmirent aux Romains au VIème siècle avant J.-C. ! Ces derniers, sur ordre du consul Spurius Carvilius Ruga, décidèrent en 230 avant J.-C. de rajouter une barre au C pour éviter la confusion entre le C et le G, formant ainsi la lettre G.


La lettre G créée en 230 avant J.-C.



Notre alphabet actuel vient de ces alphabets orientaux: si l'on retourne la lettre A, on retrouve, simplifiée, la forme de la tête de vache des origines ! Mais les Grecs et les Romains, écrivant principalement de gauche à droite, "basculèrent" les lettres phéniciennes.








Sarcophage d'Ahiram avec une inscription en phénicien.








L'alphabet phénicien est à l'origine de tous les systèmes alphabétiques actuels y compris l'arabe (qui dérive du nabatéen et du syriaque). Les Grecs, qui avaient utilisé un autre système, le linéaire B, à l'époque mycénienne, transmirent leur alphabet aux peuples slaves (le cyrillique, inventé par les moines Cyrille et Méthode) mais auparavant, aux Gaulois qui écrivaient avec des lettres grecques avant d'adopter les lettres latines.

L'alphabet, avec une vingtaine de signes, permit un apprentissage plus rapide et plus massif de l'écriture. Les historiens estiment qu'au Vème siècle avant J.-C., les Athéniens étaient très majoritairement alphabétisés car ils pouvaient inscrire un nom sur un ostrakon lors du vote de l'ostracisme. Comme nous l'avons vu, l'alphabet grec fut utilisé par les Celtes dès le IIIème siècle avant J.-C. pour des inscriptions votives (la littérature et la science étaient transmises oralement), et par les Coptes en Egypte, les Arméniens, puis les Slaves orthodoxes. Par l'intermédiaire de l'étrusque, il inspira les "runes" nordiques.







Quant aux supports de l'écriture, Grecs et Romains utilisaient le parchemin, feuille de peau de veau tannée (le nom vient de la ville de Pergame), le papyrus, mais aussi des matériaux moins nobles. Les Romains utilisaient des lamelles de plomb, de l'écorce d'arbre (comme pour les tablettes de Vindolanda en Angleterre) et des tablettes de cire.

Le papyrus eut une longue carrière puisque les chancelleries des rois mérovingiens l'utilisaient encore jusqu'au milieu du VIIIème siècle; mais il supportait mal le climat européen et les attaques des rongeurs... Il fut alors abandonné pour le parchemin, en attendant le papier venu de Chine au XIIIème siècle, papier qui supplanta peu à peu le parchemin, coûteux et réservé au actes législatifs importants comme les lettres patentes du Roi, aux XVIIème et XVIIIème siècles. 


A l'époque de Charlemagne, l'introduction de nouvelles lettres dites "carolines" amena à l'abandon du calame pour la plume d'oiseau, plus souple dans son emploi et qui perdura jusqu'au XIXème siècle avant d'être supplantée par la plume métallique inventée par les Anglais dans les années 1830.




Les carolines


Les élèves ont expérimenté deux aspects de cette riche histoire:
- L'écriture au calame et / ou à la plume d'oie, en caroline ou en gothique.
- La fabrication de peinture à la tempéra pour décorer les feuilles.



L'entrainement à la plume et au calame






















La peinture à la tempéra 

Il faut mélanger du jaune d'oeuf avec du pigment afin d'obtenir cette peinture.









Des élèves ont réalisé une vraie peinture !



samedi 7 novembre 2015

LES HIEROGLYPHES

Lors de la nouvelle séance de l'atelier de calligraphie, les élèves se sont intéressés aux hiéroglyphes, l'écriture sacrée de l'Ancienne Egypte. Une présentation des différents signes a été faite avec une fiche explicative. En effet, les hiéroglyphes apparaissent vers 3150 avant J.-C. (ce sont des plaquettes d'ivoire trouvées à Abydos, portant des noms de villes) et disparaissent en 394 après J.-C. (inscription de Philae) lorsque le Christianisme fut proclamé religion d'Etat de l'empire romain. La longévité de ce système d'écriture est donc remarquable, d'autant plus que les hiéroglyphes ne subirent pas de transformation graphique durant leur existence, les mêmes signes traversant les millénaires.


Détail d'un sarcophage égyptien au British Museum.


C'est un ensemble d'environ 5000 signes (animaux, êtres humains, objets, représentés en totalité ou en partie) divisés en 3 groupes:

- des idéogrammes: "cheval" s'écrit par la représentation de cet animal par exemple.
- des phonogrammes: le signe représente un son.
- des déterminatifs: le signe, muet, sert à déterminer le sens d'un mot.

La combinaison de ces trois groupes est complexe, un même signe pouvant être un idéogramme, un phonogramme ou un déterminatif...

Pour mieux faire comprendre le système, un texte, le menu de Tepemânkh, exposé au musée du Louvre, a été projeté sur écran. 

1ère étape: les élèves observent la composition de la stèle, avec le défunt, la table d'offrandes, les cases avec les aliments énumérés en hiéroglyphes.








2ème étape: la traduction est montrée, avec étude de quelques aliments, notamment les volailles, représentées avec un idéogramme figurant la bête déplumée, accompagné de phonogrammes, différents selon les cases, désignant l'oie, le canard etc. Les hiéroglyphes désignant les viandes sont aussi très divers avec une tête de veau, un jarret, une patte ... Le système de numérotation peut être aussi présenté car le nombre des offrandes est fixé.








La 3ème étape a été la présentation du matériel du scribe (encrier, palettes, pinceaux et calames), ainsi que de la célèbre statue du Louvre. Une fois encore, être instruit était une source de prestige et de pouvoir et un prince royal n'hésita pas à se faire représenter assis en tailleur, écrivant sur un papyrus.





On notera les deux palettes ayant appartenu aux pharaons Séqénenrê Tâa et Toutankhamon sur la droite de la photo.


Le magnifique "scribe accroupi".


Le prince Setka, fils du pharaon Didoufri.


Les inscriptions les plus importantes étaient gravées sur des blocs de pierre, comme les célèbres Annales de Thoutmosis III, les textes sacrés et administratifs sur du papyrus, une feuille souple faite avec des bandes de roseau (le mot "papier" vient de papyrus) mais aussi sur du parchemin. Les brouillons ou essais d'écriture étaient réalisés sur des tessons de poterie ou "ostraka", ou sur des éclats de pierre. 

En raison du temps nécessaire à la réalisation des hiéroglyphes, les Egyptiens mirent au point deux systèmes simplifiés de signes, le hiératique, utilisé par les prêtres, et le démotique ou écriture populaire. Les hiéroglyphes, d'ordinaire très détaillés, sont alors tracés avec des courbes qui rappellent, très vaguement dans le démotique, la forme du signe hiéroglyphique originel.



Les Annales de Thoutmosis III (musée du Louvre)

Ostrakon avec écriture en hiératique.

Ostrakon avec inscription en démotique.


Lors de la dernière étape, les élèves ont écrit des hiéroglyphes sur du papyrus, au pinceau ou au calame, après s'être entraînés sur des ostraka. Ils ont été étonnés par l'odeur ("de nature" selon eux) qui se dégageait des poteries et des papyrus et ils se sont appliqués à reproduire des listes de signes ou à écrire leur prénom après avoir consulté un site internet. Tous ont trouvé difficile cet exercice qui a demandé beaucoup d'application.


Les ostraka des élèves






Les travaux sur papyrus




















Finalement, on peut constater que le papyrus et le numérique sont complémentaires !

Une autre étude portera sur Jean-François Champollion et le déchiffrement des hiéroglyphes.


Jérôme Janczukiewicz